Description


      Décrire cette pièce, ç'est tout d'abord mentionner un détail qui pourrait repousser définitivement le mélomane perplexe: L'interprète porte des mitaines!. Ce répertoire étant souvent suspecté d'incohérence, la découverte pourrait s'interrompre ici. Et pourtant... Ces mitaines n'empêchent rien (les doigts sont presque aussi agiles) et elles permettent en revanche une utilisation spectaculaire de la paume et un élargissement des ressources sonores du piano.
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      Un autre détail frappe alors l'auditeur sinon acoustiquement, du moins visuellement. La technique instrumentale amène l'interprète à jouer avec la paume de la main mais aussi avec le poignet, l'avant-bras ou le bras étalé. L'écoute de l'oeuvre se révèle tout aussi déroutante : après quelques lignes mouvantes et plutôt modérées, un crépitement de clusters ouvre la voie à une musique très contrastée, très dense, dont le déroulement sera souvent interrompu par des moments d'immobilité et de résonance de durée parfois extrêmement longue.

      L'oreille est souvent méfiante face à l'inconnu. Elle cherche d'abord à repérer des éléments familiers: mélodies, accords harmonieux, pulsations régulières... Or le vocabulaire sonore de cette pièce est déroutant car il fait appel à des familles de sons plus souvent apparentées à l'anarchie qu'à l'organisation. La disposition d'écoute devrait être la même que pour découvrir la musique d'une autre civilisation sur un instrument inconnu, ou celle du spectateur d'une pièce théâtrale dont les acteurs parlent une langue étrangère. Le sens littéral lui échappe et pourtant le caractère des personnages, les situations psychologiques, la tension des rapports entre les individus restent perceptibles. Il faut abandonner nos références musicales pour être à nouveau disponible à des gestes musicaux inouïs comme ces rafales de clusters, ces guirlandes de notes au débit vivant ou ce grouillement d'objets sonores qui semblent se bousculer. Réapprendre à suivre la courbe descendante d'une résonance jusqu'à sa fusion avec le silence, toutes ces sensations primitives essentielles et universelles.


      La phase initiale de la pièce, longue d'environ 3 minutes, est un résumé extrêmement condensé, sorte de Big-bang originel qui va se déployer dans le restant de la pièce. Le discours musical est ininterrompu, surchargé, à la limite de l'asphyxie.
Le reste de la pièce (environ 20 minutes) est constitué d'une alternance d'activité et de résonance ou de silence. Extrêmement ouvragées, les séquences actives varient de la note isolée à la saturation de clusters en rafales. Vers la fin de la pièce, la musique se raréfie jusqu'à l'extrême.



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