Modes de jeu



      Face au Klavierstück X, l'interprète doit avoir assimilé plusieurs techniques instrumentales inconnues dans le répertoire dit "classique". Au premier rang se trouve le cluster: Ce terme désigne le jeu simultané de la totalité des notes comprises entre 2 limites données. Le cluster est souvent exploité pour produire un groupe de sons dont aucune des notes le composant ne soit perceptible individuellement. Stockhausen, fidèle à son habitude, définit une échelle de 7 densités de clusters:

L'accord de 3 sons conjoints représente la complexité (densité) la plus faible. Viennent ensuite les clusters de quarte (6 notes), de sixte (10 notes) et de neuvième (15 notes) joués à l'aide de la paume de la main. Puis les clusters de 21 , 28 et 36 notes joués avec l'avant-bras étalé sur le clavier.





      La résonance est une autre dimension essentielle du Klavierstück X. L'instrument est exploité de façon très subtile tant au niveau du clavier que de la pédale.
Mécaniquement, la résonance est issue de l'usage contrôlé des étouffoirs du piano. Ces pièces de feutre libèrent automatiquement les cordes d'une note lorsqu'elle est jouée, puis stoppent leur vibration lorsqu'on relâche la touche. De plus, la pédale forte permet de soulever simultanément tous les étouffoirs du piano, permettant des résonances multiples propres à l'instrument. Au XXème siècle, on a commencé à enrichir la variété de timbres de ces résonances en limitant l'action de l'étouffoir sur la corde. Mais cette technique exige un excellent contrôle de l'enfoncement de la touche.

Un autre type de résonance est obtenu en enfonçant lentement quelques touches du clavier pour libérer les cordes des étouffoirs sans produire de son. On joue ensuite normalement une ou plusieurs notes (différentes de celles qui sont maintenues enfoncées). Les cordes muettes vont alors vibrer par sympathie et générer des sons semblant provenir d'un piano lointain.



      Une autre caractéristique de la technique pianistique chez Stockhausen est l'extrême contrôle dans la production de chaque son. Bien souvent, les nuances dynamiques et les types d'attaque (staccato, tenuto, accent etc...) ne concernent qu'une note isolée, la suivante devant être jouée différemment. Le résultat sonore est l'addition de micro-individualités dont la globalité s'enrichit sans nuire au sens musical général. Bien sûr, ces techniques instrumentales resteraient anecdotiques si elles étaient mal exploitées. L'exemple qui suit décrit la composition d'un accord entendu dans le dernier quart de l'oeuvre. Cet accord se compose de 3 éléments:






  • Une note centrale longue d'une croche et jouée PP. Elle est l'élément émergeant car elle possède la durée la plus importante.
  • 2 notes (la# et do#), courtes et PP. Elles sont précises et dissonantes avec la note principale, mais l'impact est bref; Elles "électrisent" l'attaque de la note centrale.
  • Le dernier élément est un cluster de 10 notes dans un registre au relief moins immédiat. Il apporte un épaississement sonore et un poids supplémentaire à l'ensemble.
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Le soin avec lequel cet accord est "travaillé" peut rappeler le rôle de l'orchestrateur, mais plus encore celui du compositeur électro-acoustique créant un son à partir des paramètres fondamentaux qui le composent (attaque, enveloppe, hauteur, timbre, durée...).


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